« On organise une petite fête aérienne à St Junien en septembre 2006. Tu es des notre ? »
Ma réponse à cette question anodine posée par Patrick Dzugan il y a un an environ a été pour moi lourde de conséquences. L’accord que venais de donner m’engageait dans une « aventure humaine » certes modeste mais qui allait me conduire à ces 48 heures de pur bonheur : Légend’Air 2006 en Limousin.
Le challenge est le suivant : Organiser sur l’aérodrome de Saint Junien, LA fête aérienne de notre enfance… celle qui faisait briller nos yeux de gosses en voyant un Morane 317 s’ébrouer dans un nuage de fumée… ou un Norecrin passer au dessus de la piste dans le bruit feutré de son moteur profilé…quand le pilote casqué d’un Léopoldov venait nous prendre pas la main pour nous asseoir dans le poste de pilotage spartiate de son frêle biplan… quand le J3 du club se débattait vaillamment dans une rafale de vent pour faire un demi-tour sur le parking…quand un Raoul Clédassou sautait du Dragon Rapide au dessus de Feytiat… Quand, de retour à la maison, du haut de notre petite dizaine d’années, nous proclamions avec force : « -Je serai pilote… »… Bref, retrouver 40ans plus tard, la fraîcheur de ces gamins que, pilotes désormais, nous n’avons certainement jamais cessé d’être… !
Je ne suis pas certain, à posteriori, de Patrick, l’homme par qui le plaisir est arrivé jusqu’à moi, se soit bien rendu compte, en lançant cette proposition, de l’énormité de la machine qu’il venait de mettre en branle… Monter de tout pièce et en quelques semaines, une équipe capable de mener à bien un tel projet frise l’inconscience… Un de mes vieux « maîtres » me disait que si le monde n’était fait que de conscience il serait ch… à mourir. La mise en place de Légend’Air 2006 m’a donné, une fois de plus, l’occasion de constater à quel point c’était vrai !
Inconscience de penser pouvoir réunir une équipe de bénévoles motivée, structurée et compétente en quelque semaines… inconscience de mettre dans la boucle des gens qui, pour certains n’ont aucun lien avec l’aviation… inconscience de penser mobiliser autour d’une « banale » fête locale des autorités administratives ayant d’autres chats à fouetter… inconscience d’espérer trouver un financement intégral de la fête auprès de sponsors (le qualificatif de mécènes m’a traversé l’esprit) privés ou institutionnels sollicités de toutes parts et dont les budgets se réduisent de jour en jour… Inconscience de penser réunir un plateau d’une trentaines d’avions anciens, tous bénévoles également, sur une plateforme aussi petite que Saint Junien… Inconscience…Inconscience… OUI ! mais voilà…
Un président d’Aéroclub, René qui se lance à fond dans la boucle…et y embarque son épouse… Une Association des Ailes Limousines mobilisée à 100%… Roger, pour qui parler ne sert à rien si l’action ne suit pas….Deux fondus de la logistique, Norbert et Michel et leurs épouses également qui ont déplacé pour l’occasion les montagnes qui masquaient la perspective… une petite équipe de passionnés qui ont tout compté, sauf leur peine pour la « cause »… une équipe d’épouses qui a bien souvent fait office de locomotive, quelques journalistes passionnés qui n’ont pas hésité à mouiller la chemise, un staff municipal soutenant sans réserves cette idée et y mettant les moyens, des instances administratives départementales contentes de voir se profiler une activité aéronautique ailleurs qu’à Limoges, des bailleurs de fond privés et ce fut une vraie bonne surprise prêts à s’investir dans ce beau projet… et puis les autres… tous les autres…et nous trouvons là tous les ingrédients d’une inconscience collective n’ayant comme seul objectif que le succès…
Mais tel qu’en cuisine, (ce n’est pas le chef de la Chapelle St Martin, dont l’épouse a passé le week end à faire les crêpes sur le terrain, qui me contredira) les ingrédients, fussent-il fabuleux, ne sont pas grand chose si le chef manque d’inspiration. Le potentiel ainsi créé ne demandait qu’à se mettre au service de « l’artiste… »
Et nous avons alors assisté à la mise en place d’un duo diabolique d’efficacité. Le « chasseur de primes » associé au « chasseur de têtes »… Patrick et Joël…
Entre ces deux là, une complicité sans faille s’est installée… l’un traquant le financement auprès de tout ce qui pouvait en disposer, l’autre tarabustant avec acharnement tout ce qui pouvait participer avec un « objet volant »… Impossible de compter les coups de téléphones passé par ces deux-là, mais Orange leur doit certainement une partie de ses bénéfices….
Un des idées nouvelles de cette organisation, et peut être l’une des clés de son efficacité, a été de permettre à chaque responsable déclaré, chacun dans son domaine (logistique, subsistance, avions etc…) de prendre totalement ses responsabilités… autonomie totale… donc responsabilisation et motivation maximum. Seule une réunion de synthèse mensuelle pour faire le point et continuer à avancer. Résolution des problèmes isolés par confrontation des idées…Une équipe mise en place en quelques jours dont l’efficacité ferait pâlir de jalousie la plupart des responsables d’associations établies …et d’entreprises… Un endroit d’où le « faut-qu’on-y-a-qu’à » est banni…(il ne tentera d’ailleurs pas de s’y infiltrer). Ici, pas reproches mais des encouragements… pas de rivalités stériles, mais des association de compétences…un vrai respect les uns pour les autres… un vrai plaisir de travailler ensemble… un moteur d’une puissance insoupçonnée.
Je pourrais écrire un livre entier pour exprimer le plaisir que j’ai eu à regarder travailler mes nouveaux amis et à apprendre à leur contact ce qu’était l’efficacité. Mais le sujet de ces quelques lignes est le résultat de ce travail : Légend’Air 2006.
Quand j’ai accepté, avec un rien d’angoisse, d’être directeur des vols de cette manifestation qui n’était pas ma première, loin s’en faut, je n’imaginais pas à quel point ce dimanche 10 septembre 2006, serait une date clef. Pour moi, maintenant, il y a l’Avant et l’Après…
Sur une plateforme de Saint Junien métamorphosée pour la circonstance, il m’a été donné d’assister à ce que je n’imaginais pas pouvoir revoir un jour… Une vraie fête aérienne gratuite… Dans le plus pur esprit de ce dont avait rêvé notre modèle à tous : J Salis, le créateur…(pas ce qu’est devenue la manifestation , triste à mourir de la Pentecôte…)… ici, pas de métal hurlant, mais de la poésie… un moment de communion entre les « faucheurs de marguerites » et le public… loin des barrières sécuritaires auxquelles nous sommes désormais soumis… Tous réunis dans un même espace… des pilotes disponibles déambulant sans fanfaronnade au milieu de la foule, répondant à toutes les questions et sollicitations, prêts à faire partager leur ferveur à tout le monde… une organisation à la vue de tous…briefing pilotes accessible à un public étonnamment silencieux et attentif, preuve qu’il n’est pas besoin d’être un spécialiste pour s’intéresser…une direction des vols, sorte de mini tour de contrôle gérant le trafic au cœur même d’une foule semblant faire le maximum pour ne pas perturber…commentateur passionné, pas un bonimenteur de foire mais un aviateur au vrai sens du terme, avec l’avion dans le sang, répondant en direct et avec des mots simples aux questions techniques au sein même du public… au contact…pas sur une estrade… bref… Un endroit où il n’y avait pas ceux qui savent et les béotiens… mais simplement ceux qui se font plaisir…
Ajoutons à cela une trentaine d’avions anciens exposés aussi près du public que la règlement nous y autorisait, une belle palette d’appareils de construction amateur, une douzaine de démonstrations en vol de hautes tenue, certaines même de qualité très exceptionnelle… une ambiance familiale que les équipages présents n’ont pas manqué de souligner et dont la chaleur a certainement contribué à accentuer encore cette atmosphère quasi irréelle de plaisir partagé et vous comprendrez que le qualificatif de « bonheur » dont j’ai affublé ces quelques lignes me paraisse tellement dérisoire tant il est faible…
Quel plaisir de voir le regard étonné de ce pilote que nul ne connaissait arrivé la veille et demandant s’il était possible de téléphoner à un taxi pour se rendre visiter un musée en ville quand il s’est vu confier, sans aucune question les clés de la voiture du directeur de la manifestation… il confiera plus tard qu’il s’est alors demandé dans quel rêve il avait atterri tant ce sens de l’hospitalité est devenu rare !
Quel romantisme que de voir, au petit matin, ces deux jeunes pilotes venus de Charente avec une machine ayant plus du double de leur âge, sortir de la tente qu’ils avaient plantée sous l’aile même de leur avion, comme s’ils ne voulaient pas s’en séparer, preuve s’il en est que ce plaisir n’est pas réservé aux riches !
Quelle émotion dans les yeux de ce gamin accroché à une barrière juste devant moi, quand je l’ai pris par la main pour aller l’asseoir dans le poste de pilotage spartiate du Léopoldov…était-ce lui…était-ce moi ?…40ans déjà…
Quelle sensation étrange que cet agréable frisson qui m’a traversé le corps quand j’ai croisé, alors qu’il me serrait la main, le regard de ce pilote qui se préparait à rentrer chez lui exprimant dans une étincelle un sentiment que bien peu savent décrire par des mots mais qui récompense de tous les efforts fournis… Cette communion silencieuse de deux amoureux qui savent qu’ils viennent de vivre un moment exceptionnel !
Quelle fierté quand ce constructeur amateur dont le brevet date de plus de 50ans est venu nous saluer avant de repartir aux commandes de sa dernière création et nous a confié avec un rien de nostalgie que l’ambiance l’avait rajeuni de 40ans !….
Cerise sur le gâteau, l’Amicale des anciens de Feytiat…(l’ancien aérodrome de Limoges, devenu terrain de golf, sur lequel allait rêver le bambin que j’étais) dont le nombre diminue malheureusement assez régulièrement, avait été invitée à organiser son AG annuelle dans les bureaux de l’aéroclub de St Junien ce 10 septembre… Hommage des « gamins » à nos anciens…Quel symbole !…
Mon plaisir a été tel que j’en ai oublié ce sombre petit lieutenant par qui le bonheur aurait pu ne pas être…
Le week-end s’est terminé par une soirée de « cohésion » réunissant tous ceux par qui le succès est arrivé. Tous ces bénévoles qui ont payé de leur travail acharné ces quelques heures d’intense bonheur. Et gageons que les lunettes noires qui ornaient le nez de quelques-uns d’entre nous, dont j’étais, cachaient plus des yeux rougis par l’émotion que par l’intensité de l’éclairages….
Mais le monde s’est soudain agité….et… mon épouse venait de me secouer… j’étais profondément endormi sur le canapé… il était minuit… ce 10 septembre 2006… quel beau rêve !
A vous tous, mes amis qui m’avez rappelé que rêver était possible pour peu qu’on le veuille et m’avez permis de régler bien modestement le ballet des solistes, merci !…
2 Comments:
oh oui aussi bon qu une bonne couenne avec un plat de haricots au bord de l etang de de Feuyas Le gosse de 15 ans a revu le proctor c etait bien.... AMITIES
Ce fut un beau jour que dis-je, un beau rêve merci de l'avoir si bien décrit. Je suis sûr que tout les copains, je peux appeler les bénévoles ainsi maintenant, sont prets à revivre ce moment. J'ai vraiment envi de sentir à nouveau cet agréable frison qui me parcours et pourquoi par le dire ces quelques larmes perler au bord de mes paupières quand je vois évoluer ces MS, Stampes et autres Bucker. Merci à tous ce fut une belle que dis-je une grande journée.... A great day.
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